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Cronicas d'autors - Page 12

  • Michel Feltin-Palas: La France veut-elle vraiment tuer ses langues régionales ?

    Voici la lettre hebdomadaire de Michel Feltin-Palas dans l'Express "Sur le bout des langues".

    Je vous recommande de vous y abonner, c'est gratuit, elle est très bien documentée, intéressante, pondérée. On y apprend des tas de choses intéressantes sur la langue française, les langues régionales ou autochtones, la diversité linguistique...

    La lettre de cette semaine réagit sur la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi Paul Molac.

     
       
     
      Michel Feltin-Palas
    mfeltin-palas@lexpress.fr
     
     
     
    La France veut-elle vraiment tuer ses langues régionales ?
    On aimerait en rire si ce n'était à en pleurer. Le 21 mai correspondait, selon l'ONU, à la Journée mondiale de la diversité culturelle. Et c'est ce jour qu'a choisi le Conseil constitutionnel pour signer ce qui ressemble à l'arrêt de mort des langues dites régionales (1) en censurant l'essentiel de la loi Molac dans des conditions on ne peut plus troubles. Vous pensez que j'exagère ? Alors lisez ceci.
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    · Le raisonnement est assez simple. Depuis des décennies, la France a fait en sorte que la transmission dans les familles s'interrompe (je reviendrai sur ce point prochainement). Dès lors, seul l'enseignement peut encore "créer" de nouveaux locuteurs. Mais pas n'importe quel enseignement. Il va de soi que, dans une société désormais totalement francophone, suivre trois ou six heures de cours par semaine ne suffit pas. La seule technique efficace est celle de "l'immersion", dans laquelle la majorité des cours a lieu en langue régionale. Or c'est cette méthode qui vient d'être déclarée inconstitutionnelle. Pire encore : non seulement elle ne sera pas étendue à l'école publique, comme le proposait la loi Molac, mais, selon le Conseil constitutionnel, elle est désormais interdite là où elle existait, notamment dans les écoles associatives : ikastolak au Pays basque, Diwan en Bretagne, calendretas en Occitanie, bressolas en Catalogne, etc. Fin de la transmission dans les familles, interdiction de l'enseignement immersif : la boucle est bouclée.
    · Certes, Jean-Michel Blanquer minimise les effets de cette décision. "La France encourage les langues régionales", assure-t-il ainsi dans un entretien accordé à Ouest-France. S'il reconnaît être opposé à l'immersion, il se dit favorable au "bilinguisme", technique qui consiste à travailler dans deux langues en même temps, mais dans un volume horaire bien moindre. Ce faisant, le ministre de l'Education nationale joue sur les mots car il le sait parfaitement : cette méthode pédagogique ne permet pas de créer de bons locuteurs.
    · La manière dont cette décision a été prise mérite aussi que l'on s'y arrête, et ce aussi bien politiquement que constitutionnellement. Commençons par la politique. Aucune loi sur n'avait été votée sur ce sujet depuis soixante-dis ans - ce qui en dit long sur la volonté réelle de la France de sauver son patrimoine linguistique. Or voilà que Paul Molac, un député régionaliste breton et opiniâtre (pléonasme ?), parvient à vaincre tous les obstacles, en réunissant sur son texte une écrasante majorité aussi bien au Sénat (253 pour, 59 contre) qu'à l'Assemblée nationale (247 pour, 76 contre).
    · Mais la bataille n'était pas terminée, on vient de le voir. Jean-Michel Blanquer - il l'a reconnu - a fait rédiger par son propre cabinet la saisine officiellement déposée par 61 parlementaires - étrange conception de la séparation des pouvoirs. Phénomène tout aussi inédit : alors que la majorité du groupe LREM avait approuvé le texte, une minorité de ce groupe a saisi le Conseil sans en avertir le reste de ses collègues !
    · A l'évidence, ce stratagème a également reçu l'aval d'Emmanuel Macron. En effet, la Constitution ne laisse que quinze jours au chef de l'Etat pour promulguer une loi définitivement adoptée. Ce délai expirait le 22 avril au soir ? La saisine est intervenue le... 22 avril à 18 heures.
    · Quatre des 61 députés ont publiquement affirmé que leur signature leur avait été arrachée par une série de mensonges et ont écrit au Conseil constitutionnel pour la retirer. Si leur demande avait été entendue, le nombre de signataires serait tombé sous la barre fatidique des 60 et la saisine aurait été déclarée irrecevable. Sans surprise, le Conseil a estimé que leurs signatures devaient être tout de même comptabilisées.
    · Ce n'est pas tout. Les "sages" n'étaient saisis que sur un article, concernant le financement par les communes de l'enseignement des langues régionales, article qu'il ont validé. Ils auraient pu s'en tenir là, comme il le fait d'ordinaire, mais il ont décidé de leur propre chef d'examiner deux autres articles du texte. Une pratique tout à fait exceptionnelle, selon les connaisseurs de l'institution.
    · Venons-en à l'argumentation juridique. Pour censurer le principe de l'enseignement immersif, le Conseil s'est référé à un complément de l'article 2 de la loi fondamentale : "la langue de la République est le français". Or de nombreux spécialistes contestent cette interprétation pour la raison suivante. Votée en 1992, cette phrase était destinée à lutter contre... l'anglais, comme en témoignent les débats de l'époque (voir "Lire aussi"). Plusieurs parlementaires, méfiants, avaient publiquement exigé que ledit article ne soit jamais utilisé contre les langues régionales, ce à quoi le gouvernement s'était explicitement engagé. Ajoutons qu'à aucun moment il n'est écrit que le français est la "seule" langue de la République. Ajoutons encore qu'un article 75-1 a été introduit en 2008 pour y faire figurer les langues régionales et pouvoir ainsi les défendre. Et pourtant : le Conseil ne cesse depuis bientôt trente ans de se référer à l'article 2 pour s'opposer aux langues minoritaires.
    · Admettons cependant que l'article 2 ne soit pas clair et que l'on puisse de bonne foi hésiter sur son interprétation. Traditionnellement, dans les cas litigieux, le Conseil consulte les travaux préparatoires qui ont amené à sa rédaction. "En cas de doute, il se réfère aux intentions du législateur", confirme la juriste Anne Levade. Or, on l'a dit, celles-ci étaient explicites : non à l'anglais, aucune conséquence pour les langues régionales. Eh bien, le Conseil le reconnaît sans fard : il ne s'est pas rapporté aux débats de 1992 ! La raison ? "Selon lui, cet article est parfaitement clair. Il impose le français partout, et le français seul", souligne un spécialiste.
    Notons pour terminer que le Conseil constitutionnel a également invalidé la disposition prévoyant dans les documents d'état-civil l'utilisation des signes "diacritiques" propres aux langues régionales, comme le ñ (qui figure pourtant dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts). Signalons enfin qu'au cours des dernières semaines, le gouvernement a lancé avec force flonflons le "Pass culture" - sans e - et créé des cartes d'identité bilingues anglais-français.
    Oui, on aimerait en rire si ce n'était à en pleurer.
    (1) En tout cas en métropole. Les taux de locuteurs sont bien plus élevés outre-mer.
    A LIRE AILLEURS
    Avant même la censure du Conseil constitutionnel, le collectif "Pour que vivent nos langues" avait appelé à une journée de mobilisation le 29 mai dans tout le pays. Intitulée "1000 rendez-vous pour nos langues", elle a pour but de défendre l'enseignement des langues de France, Celui-ci, en effet, avait déjà mis à mal par la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer qui, en dévalorisant ces matières, a provoqué une chute drastique des effectifs. Le nombre de lycéens suivant des cours de langues régionales est passé de 3264 à 1832 (hors académie d'Aix) soit une baisse de 44% en deux ans, selon les chiffres du conseil académique de l'Education nationale.
    Les académiciens Barbara Cassin et Erik Orsenna, les artistes Nolwenn Leroy et Ibrahim Maalouf, le paléontologue Yves Coppens, la romancière Irène Frain, les linguistes Mathieu Avanzi et Bernard Cerquiglini... Quelque 200 personnalités avaient signé le 19 mai une tribune en faveur des langues régionales dans Le Monde. Son titre : "Il en va désormais de la responsabilité de la puissance publique de sauvegarder et promouvoir nos langues régionales". Il est possible que le Conseil constitutionnel ne l'ait pas lue...
    Dans cet article tout en sensibilité, l'universitaire Philippe Martel dénonce l'hypocrisie des députés LREM qui affirment avoir saisi le Conseil constitutionnel à propos de la loi Molac "pour la conforter". "C'est pour leur bien (...) qu'ils tenaient à vérifier l'orthodoxie de la loi concernant les langues régionales. Nous confirmons : si grand est l'amour de ces gens qu'il nous étouffe."
    Au Canada, où la majorité de la population parle anglais, le français a un statut de langue minoritaire. Aussi le gouvernement québecois vient-il de présenter une série de mesures visant à le soutenir. Il était déjà "la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires" ? Il aura désormais la prédominance dans l'affichage des magasins, sera la langue de communication exclusive du gouvernement, tandis que la charte de la langue française s'imposera dans les entreprises québécoises de 25 à 49 employés. Entre autres.
    En analysant les discours du président de la République, des linguistes ont trouvé la lettre qui lui a permis de promettre le mouvement à la gauche et le retour vers un passé idéalisé à la droite.
    Voici une nouvelle qui apportera un peu de baume au coeur à tous les amoureux de notre idiome national. Le français est en effet la troisième langue la plus employée par le monde des affaires, derrière l'anglais et le mandarin, selon une enquête du très réputé Institut européen d'administration des affaires Insead.
    À la manière d'une exposition universelle, la première Biennale des langues se tiendra du 27 au 30 mai 2021, à Lyon, au Centre Berthelot. Elle propose une programmation variée avec des spécialistes, des écrivains, des artistes et des chefs d'entreprise.
    Aquò d'Aquí, mensuel bilingue occitan-français, connaît quelques problèmes de trésorerie, en raison notamment de la crise sanitaire. Il fait appel à ses lecteurs et à ceux qui pourraient le devenir pour l'aider à traverser cette période.
    A REGARDER
    A tous ceux qui jugent anachronique de défendre les langues dites régionales "alors que l'anglais est bien plus utile", on ne saurait trop conseiller d'écouter ce chant polyphonique en occitan/gascon. Ecrit et composé dans un style traditionnel par Bastien Miquèu (en polo blanc sur la vidéo), il rend hommage à la transmission intergénérationnelle telle qu'elle se déroule depuis des temps immémoriaux dans les familles de bergers du Val d'Azun (Hautes-Pyrénées). Ils comprendront mieux, peut-être, à quel point la décision du Conseil constitutionnel choque un certain nombre de Français.
    Pastors n'agetz feblessa (Bergers, ne faiblissez pas)
    De Bastien Miquèu (graphie de l'auteur)
    Pastors, n'agetz feblessa (Bergers, ne faiblissez pas)
    En este mes d'abriu. (En ce mois d'avril.)
    Ja'n sòi jo en gran allegressa, (Moi, j'ai grande allégresse :)
    Eths de Mausac n'airàn dus arrehilhs. (Ceux de chez Mausac vont avoir deux petits-fils.)
    En pujar Còstalonca, (En montant Còstalonca,)
    Quauque còp n'èi sonejat. (J'ai quelquefois rêvé :)
    Aulhèr, vaquèr, se ne ga monde (Berger, vacher, qui s'intéresse)
    Uei qui s'a gòi a múlher e hromatjar ? (Aujourd'hui à traire et à faire du fromage ?)
    O, caitiva esperança (O, chère espérance)
    En ver joenessa tornar ! (En voyant revenir la jeunesse !)
    Quan eths farons hèn ara dança, (Pendant que certains dansent,)
    Ith qu'an vlut 'star meslèu darrèr'th bestiar. (Eux préfèrent rester derrière le troupeau.)
    Eras òlhas esqueradas (Les brebis, avec leurs cloches,)
    Tath som de Bassiarei (Jusqu'en haut de Bassiarèi,)
    Se'n daràn bèra auta estivada. (Connaîtront bien d'autres saisons d'été.)
    Eths dròlles i semblan mes urós qu'un rei. (Les jeunes y semblent plus heureux qu'un roi.)
    Quan era net amanta (Quand la nuit recouvre)
    Eths trendes anherons, (Les tendres agneaux,)
    S'enten lahòra bèra canta. (On entend au loin une belle chanson.)
    Segur, perdiu, non d'e la d'un faron. (Pardieu, c'est certain, ce sont eux qui la chantent.)
    Adiu, cap de montanha (Salut, montagne)
    D'Asun e de Haut Osom, (D'Azun et du Haut Ouzoum,)
    Un ser ena mia cabana (Un soir, dans ma cabane,)
    L'èi hèta per dus joens d'Arrens-Marçós. (Je l'ai composée pour deux jeunes d'Arrens-Marsous.)
    Réagissez, débattez et trouvez plus d'infos sur les langues de France en me rejoignant sur LA PAGE FACEBOOK DEDIEE A CETTE LETTRE D'INFORMATION
     
  • Yo-Yo Ma, de Jan-Peire Reidi

    P1100655.JPGAviá nonmas quatre ans quand sos parents chinés emigrats a Paris sieteren Yo-Yo Ma sus tres annuaris de telefòne per li aprener a far sonar sas prumieras nòtas sus son violoncèle de mainatge, set ans quand juguet per lo President Kennedy, quinze quand donet un concert en solista a Carnegie Hall.
    Yo-Yo Ma aviá uech ans, Pau Casals dietz còps mai quand se rencontreren. En 1890, Casals aviá trobat dins una pita botica poverosa de Barcelona las particions de las sieis Suitas per violoncèle sole de Johann Sebastian Bach sebelidas tres segles de temps que, aüei, fan partida dau repertòri de tots los violoncelistas. Casals aviá 25 ans quand, après dotze annadas de trabalh, interpretet sa prumiera suita en concert. Tots los jorns de sa vita, ne’n jugava una. Tots los jorns, lo pair violonista de Yo-Yo Ma ne’n fasiá aprener doas mesuras au còp a son drollichon. Yo-Yo Ma a fait tres enregistraments de las sieis suitas de Bach, una per sos vint ans, los autres per sos quaranta e per sos seissanta ans. A jamai obludat lo conselh que li donet lo grand violoncellista : « Sias un estre uman en prumier, un musician aprep ».
    L’estre uman en prumier. Chinés, francés, american, òme. Anet a Harvard per estudiar l’antropologia e rencontrar daus estudiants de tots los país. Pus tard, partit estudiar las tradicions musicalas daus òmes de la brossa (bushmen) dau Kalahari. « La musica pòt espelir ente que siá, quoras que siá. » Aquí Ma pren una musica compausada per daus instruments faits de bois, de uòus de requins e de cauquilhatges ’massats sus la plaja. Alai Yo-Yo Ma e un chabretaire galician jueguen ensemble una sarabanda de Bach.
    Amassar los òmes, partatjar, junher. Sa musica es un liam que junh lo musician emb los òmes e lo monde. 
    Juega la suitas de Bach. Mai de doas oras de musica sens entracte que tòca l’umanitat de l’òme, que ràia dins nòstres fons los mai sornes. Yo-Yo Ma es un òme bon. La musica de Ma apasima, evelha l’esperança e la volontat de bien far. Coma Nelson Mandela e d’autres òmes excepcionaus, dòna a d’autres estres umans lo coratge e la saviesa.
    Yo-Yo Ma juega las suitas de Bach sus las nautors de la vila dau Cap per portar a la consciéncia mondiala lo problema de la biodiversitat marina. Juega las suitas en Indonesia per sauvar la mangrova, a Chicago contra las armas de fuòc, en Corèa rasis la zòna demilitarizada per daus pitits dròlles que decoren de las serps volantas. Son Bach Project començat en 2018 compta 36 destinacions dins lo monde. Ne’n es a nonmas 28 a causa de la pandemia. Sos Action Days (Jornadas d’Accion), que seguen los concerts, lo menen pertot ente fau aidar e encoratjar los que fan quauqua ren. Vai pertot, es curios de tot, parla coma tot lo monde. Quand fau partir, sos collaborators son quasiment oblijats de l’emmenar de fòrça.
    Yo-Yo Ma es pas fier. Ditz que es coma la peira dins lo conte de la sopa de peira. Quand l’estrangier que ’rieba dins lo vilatge ente la paubra gent an ren, mas ren, per far la sopa, lur promet que pòden far de la sopa emb la peira que lur dòna, e la gent ’chaben per trobar aquí una pompira, aquí una porrada, alai un bocin de lard…
    Per Yo-Yo Ma la cultura pòt « assuausar la discòrdia, afortir los liams de comunautat, promover la justícia sociala, protegir l’environament ». Es « lo punt de convergéncia daus arts, de las sciéncias e de la societat ». 
    Per nautres Occitans, las lingas entren dins ’quela definicion. Chasca linga es una creacion culturala collectiva de las mai preciosas.
    Quo es benleu aquí una idéia triviala, mas quand vese ’quilhs grands violoncellistas que fan s’exprimir l’umanitat de l’òme dins la musica de Bach – Yo-Yo Ma pertot dins lo monde e lo defunt Pau Casals a Prada – me pòde pas retener de pensar au mera actuau de la vila d’exili dau mestre catalan. Aüei, a la plaça que ocupa, a mai d’un biais d’exprimir son umanitat : defendre nòstra santat e nòstre environament, solatjar las sufrenças economicas… Per me, ’restar los que vòlen ’chabar de tuar las lingas de nòstres pairs – e daus seus ! – ne’n siriá  un autre.

    Sorça : Bridging cultures and good causes with music by Claudia Kalb, in National Geographic 05-2021, pp 32-36

    A Javerlhac lo 16 dau mes de mai, 2021
    Jan-Peire Reidi

    De veire regularament lo blògue de Jan-Peire Reidi: http://www.lochamindelafont.com/

     

  • Los Morrilhons, de Jan-Peire Reidi

    P1100655.JPGAntan au mes d’octòbre, quante anava au borg, aimava plan parlar occitan emb una una brava femna que demòra rasis lo pont. Quand me vesiá ’ribar emb mon masca sus la figura, me disiá totjorn per rire :
    « Avetz enquera vòstre morrilhon ! »
    Zo vos conte au passat, perque gaire de temps aprep, lo pont, que començava de s’esbolhar e que aviá plan mestier d’estre ’dobat, fuguet barrat per mai de sieis mes. Quante vòle anar « au vilatge » (coma disen los que fan pas la diferéncia entre un borg e un vilatge), sei oblijat de far un grand destorn per passar de l’autre biais de l’aiga. Quò fai que vese pus gaire ma sòr de linga occitana, tota sola au mitan daus camions, de las gruas e de las betonieras, que son quí per tornar bastir un pont mai solide.
    Benleu que lo mot « morrilhon » vos ditz ren si avetz pas conegut lo temps que la gent trabalhavan enquera la terra emb daus buòus o de las vachas. Quand avian liat lo Bilhat e lo Chabròu, lur passavan los morrilhons avant de los atalar per pas los laissar codar quauque piau d’erba deçai delai. Un bocin de sacha sus lo front los garantissiá de las moschas e daus tauns (que apelavam daus asnissons) e los empaichaiva de veire davant ilhs.
    Coma de rason, lo morrilhon era engulhat sus lo morre de ’quelas paubras béstias, – un treliç que lur chauchava las nasieras e que teniá preisoniera una partida de lur gròssa testa pacienta. Vese pas de mot mielhs chausit que « morrilhon » per dire çò que, dins l’idéia de ma vesina occitana, priva lo còrs d’una persona de sa libertat. Li fai pensar ad una béstia mautractada que trabalha tot son paubre temps de vita jos lo fisson de l’agulhada per ’chabar dins las sietas daus crestians.
    De segur, la gent de nòstra comuna aimen la libertat. Quo es çò que los faguet entrar en resisténcia pendent la guerra. Lo 24 de julhet de 1944 una ponhada d’òmes dau país ’resteren daus Alemands e daus milicians plan mielhs armats e mai nombros que ilhs. Venian d’Engolesme per anar punir Nontron liberada. Siriá-quò pas maluros si aüei ’quel esperit de revòlta e d’independéncia de nòstres vesins lur fasiá chausir d’escoltar los filhs (e las filhas !) de los que lurs pairs bateren en ’44 ?
    A Maurici, isla de l’Ocean Indian ancienament Isle de France, venguda anglesa en 1810 puei independenta en 1968, i a una montanha que avança dins la mar e que retira un morre. L’apelen Le Morne. Me sei damandat si lo nom era pas parent de nòstre « morre ». Lou Tresor dóu Felibrige nos ditz que « mourre » vòu dire « mufle, museau, groin,… »  o ben « rocher en forme de mufle, mamelon de montagne, éminence arrondie, morne ». Per quauques diccionaris francés, que an jamai auvit parlar de l’existéncia d’una linga que s’apela l’occitan, lo mot « morne », attestat en Haití e dins las Antilhas, es una alteracion (?) de l’espanhòu o ben dau portugués « morro », que vòu dire « morre ».
    Los Mauricians conten que, au segle dietz-e-nòu, daus esclaus fugiren se sarrar sus Le Morne e i visqueren en libertat, copats dau monde de las annadas de temps. L’esclavatge fuguet abolit a l’Isla Maurici en 1835. Los gendarmas lur volgueren anonçar la novela mas, quante los vegueren ’ribar, los ancians esclaus cregueren que los venian querre per lur tornar prener lur libertat. Fugiren a la poncha dau morre, ente la montanha tomba drech, e se lanceren tots dins la mar.
    Vòle creire que l’esperit de libertat nos fará chausir la vita, un « morrilhon » per nos sauvar, sens nos laissar metre de sacha davant los uelhs. Dins pauc de temps, lo pont sirá dubert.

    A Javerlhac, lo 26 d’abriu de 2021.
    Jan-Peire Reidi

    De veire regularament lo blògue de Jan-Peire Reidi: http://www.lochamindelafont.com/