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Hommage à Bernard Lesfargues par Vit Pokorny

Voici le témoignage de Vit Pokorny qui nous écrit en préambule : « Je tiens à vous affirmer également qu'un hommage digne de Bernard lui sera rendu dans la revue Plav, dans laquelle la littérature occitane bénéficie, grâce à lui et grâce à vous, de l'espace privilégié depuis cinq ans déjà.
En même temps, j'essayerai de trouver de nouvelles opportunités pour continuer dans ces efforts. »

http://www.svetovka.cz/

Je n'ai rencontré Bernard que deux fois dans ma vie, mais ces deux après-midis ont marqué ma vie : en 2012, je voulais préparer une anthologie occitane en tchèque et connaître de plus près cette langue et sa littérature. Par coïncidence, je travaillais pendant un mois en tant que volontaire dans la Fondation John Bost. Quelques jours à peine avant mon retour en République Tchèque, une collègue, qui connaissait ma passion pour les cultures régionales, a eu la gentillesse de me présenter son voisin : elle a mentionné qu'il était poète et partageait ces intérêts.
Pour vrai dire, je n'avais pas l'idée de qui j'allais connaître. Et je n'oublierai jamais le moment où nous avons frappé à la porte des Lesfargues, qui nous ont reçu très chaleureusement. Presque immédiatement, j'ai découvert que j'avais une chance incroyable et il m'étonnait que Bernard, une légende dans le monde occitaniste et catalaniste, me prenait au sérieux et me faisait une grande confiance. Après être passé par la bibliothèque, nous nous sommes assis pour deux bonnes heures dans le jardin ensoleillé pour discuter des problèmes de la traduction, la situation de l'occitan ou notre collaboration future. Une fois, quand Bernard expliquait le rôle de l'occitan au xiiie siècle, il a pris une édition critique de la poésie médiévale, récitait et j'avais l'impression d'entendre le dernier troubadour vivant...
Le lendemain, je suis arrivé chez Bernard et Michèle pour la deuxième fois et nous avons réalisé un entretien qui a, un an plus tard, ouvert le numéro occitan de la revue PLAV, dont j'étais rédacteur.
Ce numéro, qui avait pour but de résumer l'histoire de la littérature d'oc, ne verrait jamais le jour sans la contribution inestimable de Bernard et Jean-Claude Dugros, qui ont conçu toute la partie contemporaine de cette antologie, m'ont fourni non seulement les originaux en occitan, mais aussi les traductions françaises, les contacts des propriétaires des droits d'auteur et d'autres informations importantes.
Depuis l'été 2012, nous avons gardé le contact et la correspondence avec Bernard est devenu plus intense en 2013/2014, l'année académique que j'ai passé à Salamanque : malgré son âge avancée, Bernard, m'envoyait des lettres et des livres régulièrement, quand son état de santé le lui permettait, ce qui me donnait la possibilité de continuer dans mes efforts et entamer de nouveaux projets. On s'écrivait en français, puis également en catalan, occitan et peut-être en espagnol aussi.
Je me souviens qu'au printemps 2014 j'avais une grande envie d'aller voir Bernard pendant les vacances et je le lui ai timidement suggéré, mais je sentais que sa maladie, dont je n'ai noté que de rares symptômes lors de ma visite à Église-Neuve-d'Issac, progressait et qu'une autre visite pourrait se montrer exigeante pour mes amis périgourdins. Est-ce que j'ai fait une faute ? Je n'en suis pas toujours sûr... Et je me posais cette question de nouveau quand la triste nouvelle sur le décès de cet « amic de lonh » est arrivée la semaine passé : je feuilletais les lettres que nous avons échangées et les livres qu'il m'a offerts et je me répétais combien je dois à cet homme incomparable.
Dans une lettre, Bernard dit qu'il doit être beau de faire ses études et approfondir sa connaissance du castillan dans une ville historique et pittoresque comme Salamanque, mais il souligne qu'il faut ne pas oublier pour cela les langues minotaires, dont la situation n'est pas si sûre et qui doivent lutter pour survivre. Aujourd'hui, quand le flambeau que Bernard portait depuis tant de décennies passe dans d'autres mains, je comprends cette phrase comme un engagement.

Vit Pokorny

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